Mardi 30 novembre - 5 heures. Départ en train où je retrouve les deux couples et Josette. Arrivés à Barcelone à 12 heures nous sommes emmenés au consulat anglais où nous sommes accueillis avec beaucoup de chaleur. Je suis immédiatement conduit dans le très bon hôtel "Saboya", 49 via Layetana. Mes autres compagnons sont dirigés sur un autre établissement. Je suis habillé à neuf par le consulat. Je perçois 25 pesetas par semaine, des cigarettes, anglaises évidemment, tout ce dont j'ai besoin pour m'habiller, faire ma toilette ainsi que divers objets. Parmi ces derniers, je conserve encore précieusement un cahier, " Practical exercise book " devenu mon journal de marche, sur lequel j'ai fidèlement consigné le déroulement de mes journées. J'occupe ces dernières à visiter la belle ville de Barcelone. De mon séjour dans cette dernière, il me revient un détail pour le moins surprenant : pour pénétrer de nuit à l'hôtel, fermé par une porte cochère, il faut frapper dans ses mains. A cet appel, un portier, détenant les clés de plusieurs immeubles de la rue et ne se trouvant jamais très loin, vient ouvrir. |
RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943 Des Rives de la Garonne à la Méditerranée Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945 |
A l'hôtel, je fais la connaissance d'une ravissante pensionnaire, Catherine PERRY "russe blanche", actrice française de cinéma et de théâtre qui me fait l'amitié de m'accompagner assez souvent dans mes sorties. Je ne suis pas peu fier alors d être en aussi charmante compagnie. Cependant, elle m'apprend un jour que son frère, dont elle me montre quelques photos en uniforme, sert dans la Wehrmacht, au sein des troupes allemandes, ce qui me laisse assez désappointé. Au hasard de mes promenades dans la capitale de la catalogne, je reconnais MARFANI, excellent joueur de football et capitaine de la très bonne équipe de Cazères sur Garonne, petite ville située à une quinzaine de kilomètres de Saint-Martory. Après l'avoir interpellé je lui fais savoir que je suis un de ses admirateurs. Il m'apprend qu'en vacances en Andorre dont son père est originaire, il est venu passer quelques jours à Barcelone. Nous nous revoyons deux ou trois fois dans cette dernière. Une véritable vie de cocagne ! Toutefois, je suis tenu de me présenter deux fois par semaine dans un commissariat de police. Mais il n'était pas dans mes intentions de moisir à Barcelone. Je n'étais pas ici pour çà. Ainsi, 20 jours après mon arrivée et sur ma demande, je suis reçu par le vice consul anglais. Je lui fais part de mon pressant désir de rejoindre au plus tôt les forces alliées. Il m'apprend que les vérifications d'identité ont été faites auprès de parents résidants à Malte et que le passeport est en cours de réalisation. Après quoi je serai acheminé sur l'Angleterre. J'insiste à nouveau pour partir le plus rapidement possible et par n'importe quel moyen. Ma démarche a porté ses fruits. Le lundi 20 décembre à 10 heures, je suis convoqué au consulat où l'on me propose un départ clandestin à destination de l'ambassade anglaise de Lisbonne, au Portugal. Il m'est précisé que ce voyage comporte cependant quelques risques. J'accepte avec empressement et rendez-vous m'est donné le lendemain à 9 h 00, toujours au consulat, où je dois me présenter sans bagage. Je dois donc abandonner à l'hôtel toutes mes affaires, bien maigre baluchon en vérité et, bien entendu, ne parler à personne de ce départ improvisé. |
Paul MIFSUD, |
de Robert LEON, mon père |
DEPART CLANDESTIN DE BARCELONE Mardi 21 décembre 1943. Je suis exact au rendez-vous. Je reçois d'une employée du consulat des instructions, perçois 500 pesetas et fais la connaissance de deux belges qui seront également du voyage. Nous sommes ensuite conduits, très discrètement, dans une maison particulière où notre hôte nous donne les dernières recommandations. Nous allons être accompagnés par un guide espagnol, chargé du paiement de tous les frais de l'expédition, jusqu'à la frontière portugaise où un autre guide portugais prendra le relais pour nous conduire à l'ambassade anglaise de Lisbonne où nous sommes attendus. La somme perçue par nous ne doit être utilisée que si nous sommes accidentellement séparé du guide ou en cas d'arrestation. Nous recevons des faux papiers espagnols d'identité (solvoconducto et cedula). Les cheveux d'un des deux belges, manifestement trop blonds, sont teints en noir par une femme se trouvant là à cette intention. Nous sommes ensuite confiés, à l'extérieur, au guide que nous devons suivre à distance. A la gare, nous montons séparément dans le train qui démarre à 16 h 00 à destination de Lérida où nous arrivons à 20 h 00 après un voyage sans incident. Un taxi nous attend et nous démarrons aussitôt à vive allure. Mercredi 22 décembre 1943. Nous arrivons à 1 h 00 à Saragosse où le gîte et le couvert nous sont assurés chez un particulier. Nous en repartons avec le même taxi à 15 h 00 et arrivons à Logroño à 19 h 00. Nous sommes hébergés dans un hôtel dont nous repartons à bord d'un nouveau taxi à 22 h 30. |
La Via Laietana |