RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943


Des Rives de la Garonne à la Méditerranée

Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945


Dimanche 26 mars 1944.


Après un long et fatiguant voyage, de nombreuses pannes, nous arrivons enfin à la gare de Maison Carrée à Alger,  à 10 heures.


A 12 heures,  nous parvenons au centre "Sirocco" situé en bordure de la mer Méditerranée.


Le centre ci-dessus est d'un abord très accueillant avec ses coquets pavillons, ses larges allées. ses beaux terrains de sports ombragés d'innombrables palmiers et autres feuillus dans lesquels s'ébattent toutes sortes d'oiseaux.


Deux hôtes de marque figurent à l'effectif du centre ; l'acteur de cinéma,  Jean GABIN, second maître,  déjà célèbre et le boxeur Marcel CERDAN, quartier-maître, qui deviendra champion du monde des poids moyens en 1948, peu avant sa fin tragique survenue en 1949 lors d'un accident d'avion. Bénéficiant tous deux d'un régime de faveur,  je ne verrai jamais le premier et seulement une fois le second lors d'un match de boxe disputé à l'intérieur du camp.


Jusqu'au 30 mai et malgré ma qualité d'auxiliaire, j'y fais un rude apprentissage de marin. Sport à outrance, maniement d'armes, navigation à la voile et à l'aviron etc.


Nos journées sont bien remplies. Debout dès 6 heures nous ne sommes libérés le soir qu'à l'issue du   dîner, après une première pause à 08 h 45 pour une émouvante cérémonie aux couleurs,  suivie d'un trop léger casse-croûte à 09 h00 et d'un deuxième arrêt pour le déjeuner.


En cours de stage, je passe devant la commission de spécialité. Ayant mentionné lors de mon incorporation que j'avais exercé le métier de cordonnier c'est vers cette branche que l'on veut m'orienter. Sachant qu'avec un tel emploi j'aurais bien peu de chance d'embarquer, chose à laquelle je n'ai pas renoncé, je refuse catégoriquement. Je m'en confie au commandant qui me réplique gentiment que la France ne possède plus beaucoup de navires et que pour que ces derniers naviguent il faut bien des marins à terre pour s'occuper de leur maintenance. Il me promet toutefois de s'occuper de moi et une semaine plus tard, devant la même commission il me propose les spécialités de commis aux vivres, infirmier ou fourrier pour lesquelles il faut effectuer un stage de six mois. De plus, à l'issue de ce dernier c'est plus probablement une affectation à terre qu'en mer qui est prononcée. En raison de l'avance alliée sur la plupart des fronts, je souhaite être intégré dans une unité combattante dans les plus brefs délais. Je refuse donc une nouvelle fois. Devant ma détermination, le commandant me classe d'office, commis aux vivres.


Sachant que des volontaires étaient recherchés pour servir au 1er bataillon de choc  parachutistes, presque entièrement composé d'évadés de France, je fais une demande de mutation pour cette unité.


Deux jours plus tard, le commandant me fait appeler. Il me reçoit fort aimablement. Ma demande posée devant lui sur son bureau, il me dit : " Alors tu veux quitter la marine. Tu regretteras le col bleu ".


Certes oui je regretterais le col bleu. Depuis ma plus tendre enfance je rêve d'être marin. Des piles de poutres de chemin de fer stockées à proximité de la gare de St -Martory, en ont été maintes fois les témoins. Naviguant par tous temps sur ces bateaux imaginaires, que d'abordages, combats navals, découverte de terres inconnues, débarquement dans des îles lointaines et bien d'autres glorieuses prouesses n'avais-je pas effectués à leurs bords ?


J'explique au commandant tout ce que j'ai entrepris et bravé dans l'unique intention de participer activement à la lutte contre les envahisseurs de la France, ajoutant que je suis prêt à tout tenter pour arriver à mes fins, même à quitter, la mort dans l'âme, la Marine. Finalement, il me promet d'intervenir auprès de l'amirauté et m'assure un très prochain embarquement


Je suis fou de joie à l'idée de devenir enfin opérationnel.


Fallait-il tout de même que je veuille absolument être intégré au sein des forces combattantes au plus tôt pour oser entreprendre, tant en Espagne qu'en Afrique du nord, de telles démarches, moi d'un naturel plutôt réservé et timide !...

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Paul MIFSUD,

Le torpilleur « Tempête »

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de Robert LEON, mon père

Jean GABIN Source: http://2db.free.fr/divers_gabin.html

Marcel CERDAN Source: http://www.marcelcerdan.com/BioVie.aspx