RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943 Des Rives de la Garonne à la Méditerranée Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945 |
L'AFRIQUE DU NORD Samedi 26 février 1944. Nous débarquons du "Hoggar" à 10 h 00. Sur le quai nous sommes accueillis par les musiques de la flotte, des goumiers, des tirailleurs sénégalais, des armées de terre et de l'air jouant des marches militaires. Puis, après un silence impressionnant, la Marseillaise éclate, la plus belle, la plus pathétique que j'ai jamais entendue et que j'entendrai sans doute jamais. Au garde à vous, les larmes aux yeux pour la plupart, nous écoutons dans le plus grand recueillement notre bel hymne national. Conscients d'avoir retrouvé notre patrie à travers ce territoire français une intense émotion nous étreint. Un amiral accompagné de plusieurs généraux et officiers nous fait ensuite un émouvant discours et nous annonce que nous sommes décorés de la médaille des évadés. Que tout cela est bon après ce que nous venons d'endurer ! Nous sommes conduits ensuite au centre de triage de Médiouna à proximité de Casablanca où nous arrivons à 11 h 30. Nous y subissons un interrogatoire très poussé. Des espions en effet arrivent parfois à s'infiltrer au sein de nos convois. Après être passés dans de nombreux bureaux nous sommes emmenés au réfectoire où le dîner nous est servi par des goumiers. Nous passons la nuit dans ce centre et sommes à nouveau interrogés le lendemain matin. Dans le même temps, nous sommes sollicités par des officiers représentant toutes les armes de notre pays. En fin d'après-midi nous en avons fini avec les interrogations. La dernière question porte sur le choix de l'arme où nous voulons servir. J'opte sans hésitation pour la marine nationale et rejoins le dépôt des équipages de la flotte à CASABLANCA à 18 heures. Jusqu'au 17 mars, date de mon incorporation dans la marine, je visite la belle ville de Casablanca avec ses grandes avenues bordées de palmiers, ses beaux jardins et monuments. Je suis un hôte assidu de l'accueillant foyer des "évadés de France" où j'ai plaisir à retrouver des patriotes n'ayant pas accepté la défaite et désireux de se lancer dans la bataille. Hélas, la joie d'être bientôt intégré dans une unité combattante, est de courte durée. En effet, au cours de la visite médicale précédant mon incorporation, si mon oeil droit est parfaitement normal, la forte myopie de mon oeil gauche ne passe pas inaperçue et je suis présenté devant une commission de réforme. Et là, le couperet tombe; mon rêve s'achève. Malgré l'intervention bienveillante d'un amiral qui, d'une terrasse me demande de décrire ce que j'aperçois sur l'océan et dit ensuite aux autres membres de la commission, que je vois parfaitement bien, je suis déclaré inapte à l'engagement et classé service auxiliaire à terre. Cela signifie que je ne pourrai jamais prendre une part effective à la libération de mon pays. Il existait alors dans la "Royale", en la matière, trois positions: service armé en mer; service armé à terre et service auxiliaire. Vendredi 17 mars 1944. Recruté officiellement, je perçois mon paquetage de marin et revêts l'uniforme. Pas du tout à mes mensurations, je n'ai aucun mal à faire figure de "bleu" ainsi accoutré. Mais cela à bien peu d'importance après l'humiliation que je viens de subir et que je ressens comme un affront. Toutefois, je n'ai pas dit mon dernier mot et reste déterminé à trouver une solution. Vendredi 24 mars 1944. Départ en convoi de Casablanca, en train, à 24 heures, à destination du centre de formation maritime "Sirocco" au cap Matifou, situé à 30 Km d'Alger. |
Vendredi 25 février 1944. Arrivés à 17 h 00 à Casablanca, (Maroc), nous restons jusqu'au lendemain sur le bateau. |
Port de Casablanca |
Sources : http://www.alger-roi.net/ Et www.alger50.com |
Paul MIFSUD, |
de Robert LEON, mon père |