RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943


Des Rives de la Garonne à la Méditerranée

Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945

Au cours d'une nouvelle permission à St-Martory, je revois avec une immense joie, mon ami Jean DURAND, très amaigri,  rescapé d'un camp de la mort. Il avait été arrêté par les allemands, sur dénonciation, le 8 novembre 1943 à Loures-Barousse, dans les Hautes-Pyrénées, alors qu'il s'apprêtait à passer en Espagne avec le guide Bordes. Interrogé durant quatre jours à Luchon, il avait été déporté au tristement célèbre camp de Buchenwald où il avait été interné le 19 janvier 1944 après avoir séjourné successivement à la prison St-Michel de Toulouse et au camp de Compiègne.  Libéré le 1er avril 1945,  il est rentré peu après à St-Martory. Un Camarade d'Arnaud Guillem, village voisin de St-Martory, Lucien BAYLEIN,  arrêté aux cotés de Jean et déporté au même camp, ne reviendra jamais.


Jean DURAND, officier de la Légion d'honneur, à présidé durant une vingtaine d'années aux  destinées du Comité départemental de la résistance de la Haute-Garonne.


Que sont les mauvais traitements qui nous ont été infligés dans les prisons espagnoles à côté des atrocités endurées par les déportés dans les camps  nazis ?


Quelques jours après, de retour en France, je rejoins à Paris, le lieutenant  Eugène  MOUGIN,  qui avait  participé, entre autre, aux glorieux combats pour la libération de l'Alsace. Nous passons ensemble deux merveilleuses journées.


La paix revenue et après quelques mois de navigation en Méditerranée, toujours à bord de la vaillante "Tempête", je suis démobilisé le 26 octobre 1945, deux ans après mon départ de St-Martory.

Le torpilleur "Tempête" , quant à lui, armé en 1926,  terminait sa carrière le 17 février 1950.

Seules les montagnes ne se rencontrent pas !

Peu après mon admission dans la gendarmerie, et par   le plus grand des hasards je retrouve, début 1948  à Condom (Gers), alors qu'ils sont originaires du nord de la France, les époux RENDIER, un des deux couples faisant partie de notre équipée des Pyrénées. Par eux, je retrouve également; les époux DUFFOIR et leur fille Josette, eux-aussi du même convoi lors de notre traversée des Pyrénées. Ces derniers habitent alors à Mérignac dans la région Bordelaise. Les deux couples ci-dessus, résistants aguerris du réseau "Victoire"  sous les ordres du colonel Hilaire, avaient rejoint l'Angleterre, avec la petite Josette, après leur séjour en Espagne. Dès leur arrivée, Jeanne et Maurice  RENDIER ainsi que Pierre 

DUFFOIR , s'étaient portés  volontaires pour reprendre leurs activités dans la résistance en France. Seuls les deux derniers reçurent pour mission, du colonel Maurice BUCKMASTER, grand patron du réseau du même nom, dont dépendait le réseau "Victoire", de rejoindre la métropole pour y préparer le débarquement prochain des troupes alliées. Ils quittèrent un port du sud de l'Angleterre, le 15 avril 1944 à 21 heures à bord d'une vedette rapide de la Royal Navy et rejoignirent les côtes bretonnes. Ils furent emmenés à terre à bord d'un  canot du bâtiment ci-dessus, dans la région du petit village de Guimaëc où ils furent accueillis dans une maison amie. En compagnie de patriotes locaux,  ils accomplirent dans la région de Morlaix les différentes missions qui leur avaient été assignées.  Le 25 août , peu après le débarquement, une corvette de la marine britannique venait les rechercher. Ils étaient de retour à Londres, le 26 au matin.

Maurice RENDIER, aujourd'hui disparu, est l'auteur d'un livre intitulé " Quatre ans dans l'ombre "  signé Capitaine Martin RENDIER, retraçant les divers événements auxquels il fût confronté durant la guerre 39/45.


C'est avec une très grande joie qu'à l'occasion d'un séjour à Paris en 1948,  je rend visite à mon ami CARTOUZOU,  mon bienfaiteur de Lérida,  revenu rue Drouot à ses "chers" diamants. Il me reçoit avec beaucoup d' amabilité.

   

En 1981, et aussi par hasard,  je rencontre à Paris,  le docteur  GOTTSCHALK,  Adolphe, qui, en pleine tempête, au cours de notre périple en montagne avait donné à Josette DUFFOIR une culotte de ski..


Quant à mes amis Louis BORDAGES et Louis BINACUA,  ils ont rejoint Casablanca en Afrique du nord le 31 décembre 1943 et ont aussitôt rallié les Forces Françaises Libres. Tous deux sont en retraite à St-Martory.   Nous nous voyons très souvent et évoquons à l'occasion, avec beaucoup d'émotions les souvenirs de notre invraisemblable randonnée à travers les Pyrénées, l'Espagne et l'Afrique du nord, durant cette période si mouvementée de notre vie.


J'ai revu aussi quelquefois Félix ANDIANO, notre deuxième passeur, décédé en mars 1986.  Originaire de St-Martory, il s'est fixé quelque temps après la guerre, dans la région de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées où il était employé dans une importante usine.

Plus aucune nouvelle par contre du troisième guide de nationalité espagnole ni des autres membres de notre périple pyrénéen de 1943 parmi lesquels figuraient un couple d'Italiens peu bavards et 4 ou 5 Alsaciens Lorrains.


Après notre rencontre à Madrid, je n'ai  plus jamais revu Catherine PERRY, si ce n'est à l'écran dans le film  « Feu sacré » avec Viviane ROMANCE. Dans une scène de ce film dont elle m'avait parlé, Catherine et l'actrice ci-dessus se crêpent généreusement le chignon.   

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de Robert LEON, mon père

Paul MIFSUD en 1944 et le Torpilleur « Tempête ». Et le Pont de St Martory

Aujourd'hui, 55 ans après, et même si l'on est parfois en droit de se demander si tous ces sacrifices ont bien été utiles,  je ne regrette rien de tout ce que j'ai pu entreprendre pendant ces douloureuses années qui me laissent le souvenir d'une aventure enrichissante à bien des points de vue et je suis heureux et fier d'être, selon une citation du Maréchal de LATTRE DE TASSIGNY,  de ceux  qui

" Choisirent la périlleuse aventure du passage des Pyrénées pour l'honneur de servir".


          Paul MIFSUD, St-Martory,  le 22 avril 1999

Le 12 mai 2002 était inaugurée à MARIGNAC (Haute Garonne), une stèle érigée à la Mémoire des Evadés de France par l'Espagne. Ce texte y est gravé:

« PAR CES MONTAGNES OCCUPEES PAR L'ENNEMI, SOUS LA CONDUITE DE PASSEURS DE L'ARMÉE SECRÈTE, DES RESEAUX BUCKMASTER, FRANÇOISE… ILS REJOIGNIRENT AU PÉRIL DE LEUR VIE, LES FORCES FRANÇAISES LIBRES. »