De la France occupée

au 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes 

d'après les souvenirs de


Pierre Jean PASINO


Insigne de l'association des Evadés de France

Note: Le récit qui suit est la fidèle transcription des archives que Monsieur Pierre PASINO m'a confiées, « via » l'amicale complicité du Capitaine de Vaisseau A. LEMAIRE. Textes et photos sont la propriété de P. PASINO. Pour tout renseignement, me contacter

« PASINO Jean Pierre, du 1er Régiment de Chasseurs parachutistes--6e Compagnie.

Le 14/12/44, sous Neukirch, au cours des combats a été blessé au bras droit à son poste de tireur à la mitrailleuse. A commandé à son chargeur de le remplacer et, sous le feu ajusté de l'artillerie allemande, a assuré les fonctions de chef de pièce jusqu'à la destruction de l'arme par un obus, dont les éclats l'ont blessé au visage. »

QUEL CHEMIN P. PASINO AVAIT-IL PARCOURU

AVANT SON EVACUATION SUR L'HÔPITAL DE MUTZIG ?

ECOUTONS SON RECIT...

Cagnes-sur-Mer le 5 février 2008


« Tout d'abord il faut se rappeler 1940... j'avais 16 ans et participé à l'exode. J'ai assisté aux mitraillages et aux bombardements par l'aviation à Etampes et Pithiviers. En traversant Clermont Ferrand et Riom j'ai vu des femmes et des hommes pleurer à l'annonce de l'armistice. Pour moi l'exode s'est terminé prés de Saint Flour dans la maison familiale .


En novembre nous avions reçus l'autorisation de rentrer à Paris J'ai assisté à une échauffourée le 14 juillet 19 41, à Paris boulevard Bonne Nouvelle devant le cinéma REX où la police parisienne a chargé les manifestants qui chantaient la Marseillaise puis l'arrivée de 3 camions allemands chargés de soldats armés. Personnellement j'ai décroché par la rue Poissonnière; ce jour là j'avais décidé de rejoindre la France combattante


Dans les jours qui suivirent, je passais la ligne de démarcation dans la région de Brantôme. Après une halte en Auvergne je pris la direction de Béziers, Marseille, Nice. Il m'avait été indiqué une filière à Marseille puis une autre à Port de Bouc.


Après avoir crevé de faim je me suis décidé à rentrer au bercail, quelqu'un m'avait assuré que le passage de la ligne au dessus de Macon était très facile je prends cet avis comme bon et je tentais ma chance à Sennecey-le-Grand. Je me suis fait prendre, embarquer et juger à la prison de Chalon-sur-Saône et condamner à 15 jours--3 semaines de cellule. J'ai effectué la moitié du temps a Chalon puis à Autun ; quelques semaines plus tard c'était l'invasion de la zone libre .(nov.42)


J'ai cherché un emploi que j'ai trouvé dans une société s'occupant d'extincteurs, la société Minimax. Elle avait en charge l'entretien des appareils situés dans les grands garages parisiens réquisitionnés par l'armée Allemande sous le sigle HPK .513.  Il y en avait un rue Coustou, un incendie s'étant déclaré et un extincteur n'ayant pas fonctionné, en me présentant le matin au travail le contremaître m'a relaté l'incident et l'a commenté  par la recommandation « Dégage ! »


C'est ce que j'ai fait, quelques jours plus tard je recevais deux convocations pour me présenter au STO. Une nouvelle fois j'arrive dans le Cantal. Ma conviction d'avoir à rejoindre la France combattante étant intacte; il restait à savoir où et comment, il restait uniquement l'Espagne. » 


Zone occupée - zone libre juin 40/ nov 42

« J'envisageais l'été car cela limitait le risque des intempéries. Le moment du départ arrivant, je me suis entraîné en me fixant un circuit de 50 kilomètres à boucler dans la journée, en marche seul, ce qui n'est pas trop facile. Lorsque j'y suis arrivé j'appareillai dès le lendemain. Je m'étais procuré des jumelles, une carte Michelin je possédais une bonne paire de chaussures de marche, habillé d'un vêtement de travail équipé d'une musette, j'avais tout du cheminot que l'on rencontrait dans les campagnes. Rendu prudent par ma dernière déconvenue de Sennecey, je décidais de bien étudier mon coup, je choisis la montagne.

L'examen de la carte me faisait préférer de longer l'ANDORRE, de tacher d'aller au PORTUGAL, l'approche de la frontière Espagnole étant délicate puisque c'était la zone rouge. Je me fixais d'éviter les villes comme Pamiers, Foix, il fallait traîner le moins possible pour ne être repéré.


Je quittais l'Auvergne remonté à bloc. Je quittais en chemin de fer Murât vers Aurillac où je dormis à la belle étoile dans un jardin public, puis direction Figeac,Capdenac, Toulouse Matabiau. Je dors là aussi dans un jardin public. Le lendemain je prends le train direction Foix avec un billet pour Le Vernet sur Ariège. En cours de route je suis contrôlé, mon billet est parfaitement valable, tout se passe bien. Après quelques kilomètres, un homme d'une quarantaine d'années s'installe à coté de moi appuyé sur la vitre, il me demande si j'ai de la famille au Vernet ma réponse est non, il me demande si je connais le Vernet, je réponds toujours non, il me demande ce que je vais y faire. Ma réponse est toute prête: chercher du travail. Sa réponse est immédiate, « tu vas avoir du mal car c'est un centre d'internement pour les républicains espagnols, le Vernet est plein de gardes mobiles qui contrôlent tout le monde. Si tu ne veux pas te faire ramasser, il faut descendre à la prochaine gare ». Il s'agissait d'un Français qui avait deviné mes intentions. Je suis descendu à Saverdun, j'ai pris la route direction Palhés, couchant dans les petites granges servant à rentrer les outils ou le foin, puis le Mas d'Azil, Massât, Le Pic des 3 Seigneurs où je me suis pris une tempête de neige. Je me suis donc installé dans l'une d'elles pour résister au mauvais temps et au froid. J'y suis resté 2 jours.


J 'ai repris la route et suis arrivé à Aulus-les-Bains. Là dans un café j'ai été abordé par deux hommes qui m'ont demandé ce que je faisais, puis ils ont vu ma musette qui contenait un morceau de pain et de fromage, mes jumelles ainsi que la carte Michelin. Immédiatement, ils m'ont dit « tu cherches à passer en Espagne? ». J'ai répondu oui, ils m'ont demandé si j'avais de l'argent car le passage était cher. Je leur ai indiqué que j'avais une vingtaine de milliers de Francs de l'époque.

De toutes manières, ils n'avaient pas l'intention de laisser quelqu'un derrière eux. Clairement ils m'ont demandé de boucler mes affaires et de les suivre. C'est ce que j'ai fait, nous avons pris un chemin de montagne, nous sommes arrivés dans une cabane. Ils m'ont dit de ne pas bouger que le départ était prévu pour le matin suivant. »

Aulus les Bains

Source:

http://www.histariege.com/

Le Pic des 3 Seigneurs 2200 m

Source:

www.pyrenees-team.com

LA FRANCE OCCUPEE

« Il ne restait plus qu'à attendre. Au préalable, ils avaient raflé tout mon fric, y compris la monnaie, m'assurant que de toutes manières je n'en aurai pas besoin: nous serions pris en compte par l'ambassade d'Angleterre, ce qui bien sur était faux !  Nous avons rencontré deux autres groupes l'un constitué de personnes d'une cinquantaine d'années, l'autre de jeunes dont deux se sont présentés l'un sous le nom d'Olivier de Sainte Agathe, l'autre sous le nom de Burin des Roziers.

(Je crois que ce dernier a été l'un de ministres de Giscard)


Nous avons remonté la vallée de l'Artigues. Arrivés au sommet, nous avons regardé d'un coté la France, à 2500 mètres d'altitude, avec un pincement au cœur. J'ai mis tous mes papiers d'identité sous une pierre et me suis renommé Jean CHAPAINE « Canadien Français »


Après ce fut la descente sur l'Espagne. Les cols et cimes environnantes étant à 2500 et 3000 mètres, cela donne une idée des difficultés. Les guides nous ayant quittés au col de l'Artigues, en descente cela va toujours mieux. Nous sommes arrivés au village de Tabescan.


Soudain la « guardia civil » nous a encerclés, fusils en main; comme je n'avais plus d'argent et qu'un garde semblait intéressé par ma paire de jumelles, je la lui ai vendue en attendant la suite. »

« Ce fut en camion que nous sommes arrivés à Sort, nous sommes enfermés à la prison,1e lendemain nous sommes dirigés toujours en camion sur le Vieux Séminaire (Seminario Viejo) de Lerida.


« Boule à zéro », soupe à base d'eau avec une pincé de maïs, des punaises surnagent dans la soupe, un robinet d'eau pour 500 détenus. Toilette et boisson le régime s'annonçait sévère!


Il était interdit de se montrer aux fenêtres, la garde tirant à balle réelle sur tout ce qui apparaissait à la fenêtre.


C'est le régime habituel. Le soir extinction des feux,1e matin réveil à la trompette avec le salut au drapeau le classique « Arriba Espana ! » et « Arriba Franco ! » que nous transformions en « Giraud », la routine quoi…. »

La Guardia Civil

LERIDA (LLEIDA)

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